Une silhouette d'embarcation se dessinait à l'horizon malgré la brume matinale. L'ombre de ses mats pointait d'un air triomphant les vagues refoulées par la coque qui battaient en retraite vers la berge. La simple force du vent semblait faire claquer les voiles, perçant l'assourdissant silence portuaire. Le navire ne se laissait pas porter par les vagues, il les dominait. En quelques minutes seulement, il atteint les quais, pivotant lourdement sur un côté. Une lourde passerelle, comme éreintée par le long voyage depuis l'Olympe, s'affala sur la berge. Un soldat accompagné d'un jeune homme descendirent du bateau. L'armure du premier étincelait. Elle ne paraissait ne pas avoir connu la véritable bataille tellement l'or la ornant semblait travaillé avec soin. Une simple tunique lui passait au-dessous. Le jeune homme, quant à lui, portait un riche habit brodé de fils d'or. Le soldat déposa lourdement le sac sur le quai.
"Nous y voilà, fils. Je viendrais te rechercher quand tu seras prêt.
-Je le suis, Père, marmonna l'adolescent renfrogné
-Non, pas encore. Ici, tu domineras tes dons avant d'agir en parfait imbécile. Tu m'as couvert de honte ...
-Père, je ne vois pas...
-Tais-toi, fils. Maintenant va! Et ne te fais aucune illusion, aucun homme ne foule cette île. Tu seras parmi les tiens.
-Bien. Merci Père."
Le soldat acquiesça et se retourna, dignement. Une cape rouge l'enroula, divinement. Il remonta la passerelle, sans même jeter un regard sur son fils. Puis, subitement il fit volte-face.
"Fils, j'oubliai. Voici le cadeau de ton grand père".
Le soldat lança une sorte de petit cailloux par dessus bord que le jeune enfant s'empressa de se saisir. Après l'avoir examiné, celui-ci s'étonna:
"Une dent? Le Tout puissant Zeus m'offre une simple dent?
-Fais en bonne usage, se moqua le soldat en s'éloignant sur le pont"
Le bateau, sous une impulsion visible par l'être humain, se positionna et s'avança à l'encontre des vagues. Le jeune homme, sur le quai, posa longuement son regard sur l'embarcation qui voguait de plus en plus vite. Finalement, il saisit son sac, qu'il jeta sur son dos. Jetant un dernier coup d'oeil sur la dent, il la fourra dans sa poche. Puis traînant des pieds, il se dit à lui même:
"Bon voyage Hadès, Père honteux de son propre fils qu'il retrouvera encore plus aigri à son retour de campagne."
Un nuage de poussière le poursuivit, mais il n'y prêta pas attention. Sa colère ne faisait que s'accroitre...
Lun 3 Nov - 2:25